Homosexualités

Toujours d'actualité, la question de l'homosexualité est beaucoup plus qu'une affaire privée. Elle renvoie à la question de la dignité des personnes mais aussi aux valeurs qui structurent la société.

  • HOMOSEXUALITES

 

INTRODUCTION

Dans le domaine de l’éthique sexuelle et familiale, la question qui porte sur les homosexualités est très complexe. Plusieurs raisons à cela.

C’est tout d’abord une réalité que l’on peut observer depuis fort longtemps, depuis que l’on a des documents écrits, et en particulier depuis la Grèce antique (VII° siècle). Les écrits sont de natures différentes : mythique, juridique, sociologique,

Ensuite, parce que l’Eglise, très vite, mais elle n’était pas la seule et était précédée par d’autres religions et d’autres philosophies, a refusé de considérer ce chemin comme une voie d’humanisation pertinente.

De plus, l’expression de ce mode d’exercice de la sexualité a suscité des réactions fort diverses allant de la plus grande tolérance jusqu’à des sévices et des persécutions dont les camps de concentration nazis ne sont pas le plus petit symbole. De tout temps, les conduites sexuelles atypiques n’ont jamais laissé indifférentes.

Par ailleurs la psychanalyse s’est aussi saisie de ces conduites sexuelles et a produit beaucoup de textes et d’analyses qui ne vont pas toutes dans le même sens.

Les causes de l’homosexualité sont parfois explicitées mais restent pour la plupart un mystère. Les personnes qui se découvrent homosexuelles gèrent leur sexualité de manières diverses. Et il ne peut donc y avoir de regard uniforme sur ces personnes qui demeurent de toute façon des hommes et des femmes dignes de ce nom à l’égard de qui aucune discrimination de quelque ordre que ce soit n’est possible et c’est une bonne chose que ce respect.

N’oublions pas que comme tout groupe minoritaire, et pour des raisons propres à leur homosexualité qui met en crise leur identité personnelle, ces groupes sont parfois très militants. Les gays aux Etats-Unis d’Amérique, Act-Up enFrance.

De plus, cette population, et en particulier pour sa partie masculine, a été frappée par une maladie terrible, surnommée le cancer gay : le sida.

A toutes ces approches différentes s’ajoute encore le problème de la fécondité et en particulier celui de l’adoption d’enfants par des parents homosexuels.

Enfin, le récent débat sur le Pacs qui aurait pu être un débat sur le poids et la légitimation sociale de l’homosexualité, a donné un statut légal aux partenaires d’une relation homosexuelle stable (sur une durée d’au moins deux ans). Bien que le débat ait été loupé, il a manifesté une très grande sensibilité de la population française dans un sens ou dans un autre. C’est donc un sujet très délicat.

 

Parmi ces hommes et ces femmes un certain nombre sont chrétiens. Ils veulent faire partie de l’Eglise et ils en sont membres par leur baptême. Comment comprendre, accueillir, droitement ces personnes ? Quelle pratique pastorale est possible ? Quelle spiritualité pour les personnes homosexuelles ?

 

Le dossier que je vous présente veut essayer de donner quelques points de repères sur cette réalité qui est parfois aussi un lieu de très grande souffrance pour ceux qui la vive et pour leurs proches.

 

 

I. Aspects historiques

Les milieux homosexuels se plaisent à invoquer les pratiques de l’antique Grèce pour appuyer leur pratique sur l’ancienneté et le prestige de la nation qui a tant fait pour la philosophie et les sciences. En réalité ceci n’est pas tout à fait fondé.

 

A. La Grèce antique

 

L’article d’Yves Krumenacker dans l’amour du semblable fait le point de manière très précise sur la pratique « homosexuelle » à l’époque de la Grèce antique.

Le premier point à relever est qu’il s’agit surtout de pédérastie plus encore que d’homosexualité. C’est-à-dire que ce qui était toléré c’était la pédérastie alors que l’homosexualité était mal vue et fut de plus en plus condamnée ou réprouvée.

La pédérastie (l’amour des garçons, des jeunes adolescents) a été valorisée jusqu’en 460 sur les céramiques. Eros présidaient à ces amours alors qu’Aphrodite présidait à l’amour des femmes. Il faut noter dans le discours sur la pédérastie que l’opposition ne se fait pas entre homosexualité et hétérosexualité mais entre tempérance et mœurs relâchées. On cherche le beau, on vise la chasteté mais en définitive, le but « est d’acquérir les vertus qui permettent d’être un véritable citoyen, et non de devenir un homme » (1). Ce que l’on aime chez le garçon c’est son âme, il s’agit quelque part de procréation spirituelle. Au IV° siècle, « dans la république, Platon explique que les relations entre un amant et un aimé doivent être celles d’un père avec son enfant : des caresses, des baisers, ils peuvent coucher ensemble, mais ne pas aller au-delà ; en effet, l’abus du plaisir troublerait l’âme »(2). On voit bien qu’il n’y a pas égalité entre le garçon et l’homme, l’aimé et l’amant.

Dans le stoïcisme, jusque deux siècles après Jésus-Christ, malgré un grand libéralisme un certain Sextus Empiricus dans les Esquisses pyrrhoniennes considère que le sage est amoureux des garçons qui manifestent des dispositions à la vertu : c’est la beauté intérieure qui compte, et l’amour est un amour de bienveillance, qui finit quand le jeune est formé, c’est-à-dire à vingt-huit ans. Il s’agit d’un amour des âmes, non des corps. » (3)

Derrière cette pratique, donc, même s’il ne faut pas évacuer trop vite l’aspect charnel, il y a surtout (du moins dans les textes) l’idée d’éduquer, de faire de ces hommes des citoyens. La théorie, s’il y en a une, consiste en une analogie entre la société et la sexualité. Qui est actif en sexualité le sera aussi dans la société. Etre actif, pénétrer est valorisé ; c’est dominer, montrer sa supériorité, être digne de la cité, à l’inverse de la passivité des femmes et des esclaves. Esclaves dont on pouvait « user » librement.

La pédérastie est donc à considérer comme un rite de passage toléré, valorisé parfois mais sans doute pas légalisé.

 

Déjà avec Platon, on voyait que la possibilité de la pédérastie devait se déroulait surtout dans la chasteté. C’est lui qui, dans les lois, finira par dire que les relations homosexuelles sont contre nature, que ce plaisir n’est pas conforme à l’ordre naturel, contrairement à l’accouplement entre mâle et femelle. Il faut donc « une loi qui exige de pratiquer les relations charnelles selon la nature »(4). Dans le stoïcisme, qui veut que la liberté se gagne dans le respect de la nature, on finira par dire aussi que l’homosexualité (entre adultes) est contre nature. De même que la contraception est condamnée comme contre nature car elle empêche la procréation.

Michel Rouche montre bien que l’homosexualité était condamnée. Ainsi Sénèque « se vit vertement reprocher de préférer les athlètes aux petits garçons. Les prostitués masculins étaient classés dans la corporation des infâmes, astreints à payer, avec les commerçants, l’impôt sur le revenu » (5).

 

Pour conclure : si la pédérastie a été longtemps tolérée et avec la visée éducative à la citoyenneté que l’on a vue, l’homosexualité, quant à elle, a toujours été condamnée par les grands auteurs et le législateur. Le recours à la mémoire de la Grèce antique pour légitimer l’homosexualité est indu et inexact.

 

 

B. Bref parcours historique

La période chrétienne (6) qui suivit l’empire romain jusqu’au Moyen-âge a toujours condamné violemment la sodomie avec pour peine des pénitences allant de 15 ans jusqu’à la mort. La sodomie est alors considérée comme un refus de la sexualité voulue par Dieu, une injure à la personne du Christ.

Ecoliers et clercs qui faisaient leurs études parfois jusque 35 ans, sans présence féminine autre que les prostituées, étaient souvent qualifiés de sodomites. Le maréchal de France, gilles de Rais (1404-1440) fut décapité en place publique pour avoir sodomisé ou étranglé de 140 à 400 enfants. Si les exécutions officielles furent peu nombreuses, la sodomie devenue péché d’intellectuels et d’artistes n’en devint pas moins à cette époque un péché conjugal. Ce moyen accepté par les femmes était compris comme un contraceptif que les femmes acceptaient pour ne pas avoir d’enfants.

A la Renaissance, sous la pression de d’un certain puritanisme, de pécheurs les sodomites deviennent des malades et des anormaux qu’il faut soigner et interner. (Rouche). Cependant on constate dans le même temps une certaine tolérance à l’égard des grands de ce monde, artistes ou politiques.

A la Révolution française, un groupe, les chevaliers de la manchette, réclama la liberté sexuelle et cela lui fut refusé. On obligea même les professeurs n’ayant qu’un seul étudiant à enseigner porte ouverte.

C’est en 1859 que les dictionnaires de médecine inventèrent pour la diagnostiquer l’homosexualité (avec une racine grecque et une racine latine). A partir de cette époque et malgré les persécutions staliniennes et nazies, les partisans de l’homosexualité n’eurent de cesse et finirent par obtenir une reconnaissance officielle de leur mode de vie.

 

 

II. Aspects sociologiques

 

Il y a plusieurs manières d’aborder en sociologie l’homosexualité.

Par des chiffres : on considère que 5% des hommes et 1,5% des femmes sont homosexuels (au sens large du terme).

Par des comportements sociaux. Ainsi on trouvera des distinctions sur le mode de relation qu’ils entretiennent avec leur partenaire. 5 qualifications sont utilisées : seul, relation stable exclusive non cohabitante, relation stable non exclusive non cohabitante, cohabitation exclusive, cohabitation non exclusive. La notion de fidélité est en réalité une notion assez floue dans le milieu homosexuel masculin. Beaucoup de partenaires de « relations stables » s’autorisent des écarts une ou plusieurs fois par mois. On constate néanmoins une évolution des comportements vers une plus grande stabilité et une diminution de la drague. La relation exclusive est passée de 17% en 1985 à 27% en 1995 selon les enquêtes de la presse gay. La durée de l’union homosexuelle est plus courte que pour les hétérosexuels. Les homosexuels ont un nombre de partenaires plus important que les hétérosexuels.

On fait aussi la distinction entre les personnes ayant des tendances et d’autres ayant des conduites homosexuelles. Ce n’est évidemment pas pareil. On pourrait en dire autant avec les personnes hétérosexuelles. On peut se dire tel sans pour autant passer à l’acte. C’est d’ailleurs souhaitable pour tous ceux qui font vœu de chasteté. Les discours sur ces conduites et tendances sont aussi de nature différente (philosophique, juridique, sociologique, religieux, ...) et ont des finalités différentes (légitimation ou accusation).

 

 

III. Aspects psychologiques

 

La plupart des analyses psychologiques ou psychanalytiques mettent en évidence un certain nombre de constantes :

  • L’aspect narcissique (se prendre comme objet de son amour) qui existe dans toute relation homosexuelle, et dont on ne peut totalement se défaire.
  • L’angoisse de mort liée en particulier à la stérilité de la relation
  • Le problème de l’identité personnelle, qui suis-je ?
  • La quête de légitimation sociale.
  • La très grande sensibilité affective.
  • Dans l’homosexualité masculine on peut se comprendre comme le partenaire mâle ou comme le partenaire féminin de la relation.

 

L’homosexualité masculine (gay) et l’homosexualité féminine (lesbianisme) ne s’exercent pas de la même façon pour des raisons de psychologie profonde. Il est d’ailleurs rare que l’on trouve peu d’études en France sur les personnes homosexuelles femmes en raison de leur faible nombre. Le travail de Marina Castaneda, psychothérapeute pour aider les homosexuels et leurs familles, est intéressant à ce titre (Même si on peut douter de certaines de ses propositions thérapeutiques comme le visionnement de cassettes pornographiques). Sa théorie fondamentale est de dire que les filles construisent leur identité féminine avec leur mère tandis que pour les garçons cette identité se construit contre leur mère.

Les femmes homosexuelles sont très sensibles à l’écoute qu’on leur accorde, elles ont une tendance à la fusion, elles se conduisent parfois dans un rapport mère fille, elles font tout ensemble et vivent souvent des relations type lune-de-miel jusqu’au moment où ça claque. Leur activité sexuelle diminue rapidement. Elles draguent peu, même si cela augmente.

On distingue dans l’homosexualité masculine la noire et la blanche. Il ne s’agit pas de racisme mais d’homosexualité vécue au grand jour, dans les livres, avec romantisme (blanche) et de celle qui se vit dans les bas-fonds, sous les ponts, de manière passagère, la nuit (la noire). Contrairement aux femmes homosexuelles, ils parlent peu de leur relation intime, ne disent pas qu’ils sont amoureux, ont une activité sexuelle plus élevée, ils sont plus autonomes. La fidélité se comprend plus sur le mode affectif que sur le mode génital (et donc on peut avoir des rapports avec d’autres tout en se considérant fidèle).

 

 

IV. La question de la différence et de l’altérité

 

Plus philosophique la question du rapport à la différence et à l’altérité (7). Xavier Lacroix est semble-t-il celui qui l’aborde avec le plus de nuances :

Est ici en jeu une juste appréhension de la subtile relation entre différence et altérité. Certains soulignent la primauté de celle-ci sur celle-là, son antériorité éthique, voire ontologique : l'essentiel sera l'accueil de l'autre comme tel, en tant qu'autre, qu'il soit ou non différent sexuellement. Ainsi Patrick Drevet: « Dans l'homosexualité [ ... ] l'autre est considéré en tant que tel, observé en ce qu'il a d'unique et d'irremplaçable [ ... ]. Un amour homosexuel envisage le corps [ ... ] sexualisé de l'autre comme un absolu. Il est appétence intense de l'altérité, de ce qui est inaliénable dans une personne. Ce qui individualise c'est le corps. En conséquence de quoi, le terme d'homosexualité me paraît particulièrement aberrant. »

Pour Emmanuel Lévinas aussi, autrui est autre avant d'être différent. Mais la différence sexuelle demeure une différence pas comme les autres, « différence tranchant sur les différences », « la qualité même de la différence ». Si il est indéniable que, pour la conversation, le travail ou la vie intellectuelle, elle ne soit ni première ni déterminante, il n'en va pas de même pour éros, le désir. Que ce dernier soit réellement orienté vers l'autre n'est pas joué d'avance. Il n'est pas évident que le désir soit désir de l'autre. L'on sait quelle part y tiennent l'imaginaire, les fantasmes, le narcissisme. La question est : Comment dépasser le narcissisme ? Dès lors, dans l'accès à la différence sexuelle, c'est-à-dire dans le désir de celle ou de celui qui ne peut être à mon image parce que je ne puis pas, moi-même, être à son image, dans le franchissement de l'écart entre les sexes, l'abord au continent inconnu qu'est l'autre sexe, la rencontre des opposés dans l'union, dans un tel passage, ne se joue-t-il pas une expérience irréductible ?

Dans cette hypothèse la différence, si elle -n'est pas l'altérité, peut du moins être dite signe de l’altérité. Si elle n'en est pas le signe unique, la différence sexuelle pourra en être dite le signe majeur, décisif, irréductible. On retrouve ici la formule de Marc Oraison: «La femme est pour l'homme l'autre le plus autre », que nous prolongerons par: « L’homme est pour la femme l'autre le plus autre » (sans présumer de la symétrie entre ces deux formules) (8).

 

A propos de la différence, si celle des sexes est plus évacuée dans le cas de l’homosexualité, ce n’est pas forcément le cas de la différence des générations dont l’intégration participe à la structuration de la personne. Dans le cas de l’inceste, c’est surtout la différence de générations qui est niée. Parfois les deux lorsqu’il s’agit du parent et de l’enfant du même sexe.

 

 

V. L'homosexualité est-elle un choix ?

 

 

 

 

La place de la liberté est cruciale pour élaborer un jugement moral, tant pour la personne homosexuelle que pour la personne, le prêtre qui est consulté. En fait toute conduite sexuelle s’inscrit dans une boucle de conditionnement éthique où la liberté s’exprime.

 

A. La boucle des conditionnements éthiques

Cette boucle s’inspire directement des travaux de Xavier THEVENOT, homosexualités masculines.

 

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Elle consiste à montrer que trois facteurs influent sur le comportement et la vie affective de chacun :

  • Les facteurs somatiques
  • Les facteurs psycho-éducatifs
  • Les facteurs sociaux

Ces facteurs influent avec une influence croissante sur la personne et ses comportements et sont extrêmement importants lorsqu'il s'agit des facteurs sociaux. En retour chacun d'entre, pris individuellement a peu d'influence sur chaque facteur et proportionnellement, il en a plus sur lui-même que sur la société.

Ceci montre que tous nos comportements sont traversés par des déterminismes. Mais être homme ou femme, c'est croire et expérimenter qu'au sein de ces déterminismes existe aussi une liberté. Et c'est la joie de chacun de vérifier qu'il n'est pas que le jouet de forces extérieures mais qu'il est aussi celui qui est responsable de sa vie et qu'il peut avoir des projets et les mener à bien. Si cet argument ne convainc pas, alors souvenons-nous qu'il n'y aurait pas de justice (au sens de l'institution) si la société elle-même ne reconnaissait pas cette part de liberté en tout être humain.

Lorsqu'une personne est traversée par des forces, des pulsions, l'effort moral qui lui revient est d'abord de repérer où sont les espaces de liberté qui sont les siens et comment peut-elle les investir et les mettre en oeuvre.

 

 

B. Devenir ou Choisir d’être homosexuel ?

A un premier niveau, on peut aussi se demander comment on devient homosexuel. C’est là un mystère pour lequel les psychologues et les personnes homosexuelles n’ont que des réponses partielles. Le savoir est lacunaire sur ce sujet et peut-être en sera-t-il toujours ainsi. Disons que l’on peut discerner des origines différentes aux homosexualités :

  • On se découvre comme ayant toujours eu des attirances pour les personnes du même sexe.
  • On a subi des violences sexuelles de la part de l’autre sexe comme le viol en particulier. Cela peut donner une aversion définitive. Mais ce n’est pas automatique, heureusement.
  • Des garçons peuvent avoir un attachement trop grand à une mère très possessive.
  • On peut l’avoir choisi délibérément par provocation, par perversion, au titre de la multiplication des expériences.
  • Enfin, on peut y avoir été poussé, lorsque par nécessité (pauvreté) ou par malchance, on a dû pratiquer une prostitution.

Evidemment, l’analyse éthique des conduites de ces personnes ne peut se faire de la même façon. Si nous ne faisons pas de morale de situation, on ne peut en faire qu’en situation. En particulier, la compulsivité totale est la marque d’une absence de liberté, mais la plupart des homosexuels chrétiens, dit Thévenot, affirment qu’il y a une part de liberté qui s’exerce.

 

Ceci dit les témoignages de personnes homosexuelles se nourrissent d’expression comme « après le trouble de la découverte de mon orientation sexuelle j’ai "choisi" ou encore j’ai "décidé" d’être homosexuel » ce qui atteste d’une liberté dans un contexte déterminé. On peut entendre ces expressions comme les stoïques qui voulaient assumer les limites de la nature pour y être libre. Ainsi peut-il en être pour les personnes homosexuelles : En décidant d’être homosexuelles, en se reconnaissant telles (quelques soient le type de conduite liée à cette décision) elles assument ce qu’elles considèrent être leur nature profonde. Le choix fait peut-être « libérant » jusqu’à un certain point. Je suis ainsi, j’ai ces tendances inscrites au fond de moi, elles semblent constitutives de mon être profond et je l’accepte. Cela se passe en fin de parcours, après de longs combats intérieurs.

Ceci dit, assumer son « état homosexuel » et avoir une conduite avec des passages à l’acte sont des réalités distinctes.

 

 

VI. Repères pastoraux et spiritualité chrétienne pour des personnes homosexuelles

 

On trouve dans la littérature des moralistes chrétiens (Lacroix, Thévenot et d’autres un ensemble de critères que je rassemble ici.

 

  • Refuser les ostracismes et tout espèce de racisme sexuel. Toute personne est digne et aimée de Dieu quelque soit son orientation sexuelle sur laquelle elle a peu de maîtrise.
  • Maintenir la non-équivalence entre hétérosexualité et homosexualité (fondée pour les chrétiens dans le texte de la Genèse 1, 28 : Dieu fit l’homme à son image, mâle et femelle il les fit). Tendance et conduite homosexuelles relèvent du désordre. Il n’y a pas d’éthique sans norme.
  • Il faut aussi maintenir que la différence des sexes avec la différence de générations, sont structurantes pour une personne. L’homosexualité a une propension à nier la première, l’inceste nie surtout la seconde, et parfois les deux en même temps.
  • Ne pas réduire la personne à son orientation sexuelle. Toujours parler de personne.
  • Faire appel à la loi de gradualité : importance primordiale du temps et du temps long !
  • Ne pas trop vite évacuer la liberté. Liberté que les personnes homosexuelles se reconnaissent assez souvent, du moins partiellement.
  • Le mariage hétérosexuel n’est pas un remède à l’homosexualité. C’est faire pire que mieux et entraîner quelqu’un d’autre dans son malheur.
  • La vertu de l’amitié et de l’amour vrai.
  • Passer de l’humiliation à l’humilité. La vertu de l’humilité comme porte d’entrée dans la vie spirituelle. C’est sous son auspice que certaines personnes homosexuelles ont pu se rapprocher de Dieu dans le contexte de leur homosexualité.
  • Ne pas évacuer la croix comme chemin de sainteté.
  • Pratiquer les sacrements et celui de la pénitence en particulier.

 

VII. Vie spirituelle et déviance sexuelle

 

Cette partie, vaut pour les personnes homosexuelles, mais elle peut concerner toutes les personnes qui se connaissent des failles liées de près ou de loin à la sexualité.

 

A. Toute prière est sexuée

Tout d’abord, il convient de se souvenir que la sexualité colore toute notre vie et que rien de ce qui fait notre vie ne lui échappe : notre vision du monde, notre manière de travailler, notre spiritualité aussi. Une femme et un homme n’ont pas la même spiritualité. Si vous faites des groupes de partages de vie spirituelle uniquement entre femmes et uniquement entre hommes, les tonalités seront nettement différentes. Les hommes auront tendances à dire comment ils ont fait ; les femmes partageront plus volontiers ce qu’elles ont ressenti.

Il faut donc bien se dire aussi qu’une orientation hétérosexuelle ou homosexuelle donne aussi une tonalité à notre prière.

 

 

B. La normativité sexuelle

Ensuite, il convient de se donner une définition de la normalité sexuelle. Le concept de normalité ou de normativité définit ce vers quoi il faudrait tendre pour que la sexualité soit pleinement humanisante.

La normativité est un horizon. Personne ne l’atteint parfaitement. C’est de l’ordre de l’utopie qui m’oblige à mieux regarder le réel.

L’érotisme, la jouissance font partie de la normativité ;

L’accession à la différence sexuelle est normative.

Un des critères de normativité sexuelle est la fidélité. Les don Juan ne sont pas toujours clairs avec leur enfance.

Et pour ceux qui ne seraient pas encore convaincus, il est assez clair me semble-t-il qu'un adulte ne peut avoir de rapports sexuels avec des mineurs de 15 ans ou dans la violence.

 

 

C. Savoir admettre ses limites et ses failles

Il faut reconnaître tout d’abord que tous ceux qui parviennent à acquérir la vertu de la maîtrise de soi, disent éprouver de la liberté, ou une libération lorsqu’elle s’acquiert petit à petit.

Mais la sexualité est un lieu complexe et susceptible d’évoluer en chaque personne. On peut avoir acquis une grande maîtrise de soi, puis, suite à un grand trouble (deuil d’un parent par exemple) se voir tomber dans un comportement masturbatoire. Une personne consacrée peut fauter contre le vœu de chasteté dans un contexte d’échec pastoral ; une personne mariée commettre un adultère lors d’une soirée trop arrosée. Ces failles peuvent être liées à des contextes extérieurs où bien souvent cependant la liberté du sujet a été impliquée, mais pas toujours comme dans le cas d’un passage à un comportement masturbatoire de régression.

Xavier Thévenot donne cette loi : « Il faut savoir que très souvent, quand une personnalité est fortement éprouvée, elle a spontanément tendance à réactiver des stades de son histoire où elle obtenait d’avantage de gratifications ». Ainsi une personne arrivé au stade adulte coïtal peut, sous l’échec régresser au stade oral en "picolant". On peut ainsi fabriquer une courbe de sa maturité psychosexuelle pratique :

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Il peut aussi y avoir des orientations sexuelles que l’on découvre profondes, enracinées et que l’on regrette mais qui semble relever des déterminismes. Ou cette personne qui n’a jamais pu se défaire d’un comportement masturbatoire et que l’on peut qualifier d’habitudinaire. Ou encore telle autre personne incapable de se passer de spectacle pornographique au point de louer des cassettes vidéo porno plusieurs fois par semaine.

 

Jacques Aresnes a un très beau passage sur ce sujet (Cf. Jacques ARESNES, Accueillir la faiblesse, Desclée De Brouwer, Paris 1999, p. 77) :

 

"A l'adolescence ou à l'âge adulte, à des moments de difficulté ou de crise, des régressions à un de ces stades pourront apparaître, qui nous feront revenir dans cette partie de la maison échafaudée antérieurement. Chacun garde ainsi des mécanismes de défense hérités de sa période « préhistorique » ; tel compensera le stress, les difficultés et les soucis de la vie quotidienne dans le registre de l'oralité en fumant des cigarettes ou en appréciant la bonne chère, tel autre aura tendance à contrôler et à maîtriser sa vie et celle de ses proches d'une manière qui fait songer à l'analité. Il tolérera alors mal des écarts d'horaire ou de conduite de ceux qui l'entourent. Il aura parfois tendance à mal supporter de sortir de ses programmes déjà prêts. Ces manières de composer avec la réalité et avec l'univers des pulsions intérieures sont caractéristiques de chacun, et deviennent excessives, pathologiques quand la personne se rigidifie, quand elle perd sa liberté. Ces strates du temps sont présentes en nous, et toutes les dimensions de notre maison intérieure se manifestent par des appels d'air venant de pièces que nous avons oubliées."

 

Ces failles diverses rappellent à la personne qu’elles n’est pas toute puissante et à ce titre, si elle accueille ce principe de réalité avec humilité peut s’appuyer sur cette pauvreté (sans vouloir la favoriser de manière perverse) pour avancer vers le Royaume de Dieu. « Bienheureux pauvres de cœur, dit Jésus, le royaume des cieux est à eux ». Souvenons-nous que Jésus a rappelé à ses contemporains que les prostituées nous précéderaient au Royaume. Pourquoi ? Sûrement pas à cause des pratiques sexuelles déshumanisantes. Mais peut-être en raison de ces parcours de vie sources de grande pauvreté, où le corps est trop souvent bafoué par le fait-même qu’il est acheté.

Comme je le disais à propos de la vertu de l’humilité, c’est en la vivant en profondeur qu’un certain nombre de personnes homosexuelles ont pu parcourir un chemin vers Dieu. (Voir l’enquête de Thévenot). C’est une forme de chemin de libération que d’admettre ses limites.

 

Admettre ses limites : qu’est-ce à dire ? Il ne suffit pas de dire qu’on est limité pour progresser car même si cela était vrai, on peut avoir des attitudes différentes à l’égard de ces limites qui sont parfois déshumanisantes (regret, complaisance, facilitation,).

Pour vérifier si telle ou telle déviance par rapport à un comportement « ordinaire hétérosexuel » est vraiment une limite, quelques critères sont utiles :

  •   A-t-on vraimen t fait l’effort de s’améliorer, de lutter, de se donner un contexte plus favorable à la chasteté ?
  • A-t-on prié plus régulièrement, pratiqué un peu d’ascèse ?
  • La personne s’est-elle tournée vers une pratique des sacrements et en particulier du sacrement de pénitence plus régulière ?
  • Eventuellement, la personne s’est-elle orientée vers une psychothérapie (parfois elle peut faire pire que mieux : grande prudence) ?
  • Plutôt que de ce centrer sur sa déviance et de lutter contre elle en permanence, (ce qui est encore une manière de lui laisser toute la place) la personne a-t-elle fait l’effort de se décentrer d’elle-même pour se rendre attentive à la vie des autres, dans un contexte  de solidarité (qui ne contribue pas à exacerber son lieu de souffrance).   

Un des fruits qui peut attester de la justesse du travail spirituel qui s’est déroulé est le constat du passage de l’humiliation à l’humilité, une humilité patiente et persévérante.

 

 

D. Ne pas confondre normativité et sainteté.

Pour l’accompagnateur comme pour la personne accompagnée, il est bien nécessaire de se rendre compte que le comportement « globalement normatif » n’est pas identique à un comportement « de sainteté ». Pour le dire avec Xavier Thévenot, il ne faut pas confondre ce qui relève de la sainteté et ce qui relève de la santé psychique.

Si l’on reprend notre courbe de tout à l’heure, on peut à lors y associer une autre échelle d’ordonnée qui montre le niveau de sainteté.

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Cette courbe, quoique très formelle, montre combien il est important de ne pas confondre les deux plans.

« La personne homosexuelle peut découvrir peu à peu que la sainteté n’est pas la santé. Cette vérité, si évidente quand il s’agit de la santé physique, ne l’est plus du tout, aux yeux de l’opinion, quand elle appliquée au domaine psychologique. Pourtant, une des bonnes nouvelles du christianisme est bien que les pauvres de la vie psychologique, de la vie affective et sexuelle, peuvent arriver les premiers au Royaume des Cieux » (9).

Pour le dire autrement, l’homosexualité ne peut sans doute pas être une source pour la spiritualité. En revanche, l’Evangile peut être source de progrès spirituel pour chacun d’entre eux.

 

 

E. Œuvrer pour des progrès, même partiels.

Deux questions principales ici : jusqu’à quel point la déviance qui me touche concerne d’autres personnes ? Est-il permis de passer à l’acte pour éviter d’être sous l’emprise d’une obsession qui envahit tout le quotidien, alors qu’une fois l’acte accompli, on se trouve plus disponible ?

 

 

 

1. Implication d’autrui

 

 

Il ne faut pas nécessairement présumer du passage à l’acte de la personne qui vient consulter. S’il n’y en a pas eu, alors, il faut inviter, encourager à ne pas commencer.

Il reste que dans le cas de l’homosexualité, il y a des problèmes difficiles qui se posent : Ainsi, faut-il accepter que sous prétexte de compulsivité forte, une personne homosexuelle se tourne vers la pédérastie (pédophilie). Non ! Il y a des déviances sexuelles qui demeurent totalement inacceptables et il s’agit d’aider les personnes à mûrir.

  • Jamais avec des mineurs ou avec des éphèbes. Il y a des interdits très anciens. Ainsi dans la Didachè : « II, 1. deuxième précepte de la doctrine: 2. "tu ne tueras pas, tu ne commettras pas d'adultère" (Ex. 20,13-14; Dt. 5, 17-18; Mt.19, 18), tu ne séduiras pas de jeunes garçons, (…) ». Ou encore Jean Cassien (vers 365 – vers 435), l’un des premiers géants du monachisme en Occident, faisait cette mise en garde : « Ne laisse personne, surtout quand on est entre jeunes gens, rester seul avec un autre, même pour un moment bref, ou se retire avec lui ou le prendre par la main ».
  • Le premier critère consiste à ne pas présupposer qu'une personne se présentant comme homosexuelle soit déjà passée à l'acte. Il ne faut pas hésiter alors à lui suggérer de ne pas commencer.
  • Jamais avec un mineur de 15 ans (ce serait automatiquement considéré comme un viol) ni même avec un mineur de 18 ans (le temps de la maturation psycho affective pour certaines personnes a besoin de plus de temps que pour d'autres et un passage à l'acte pourrait les priver dans cette croissance).
  • Tout ce qui est de l’ordre de l’initiation est à proscrire absolument. Une spiritualité ajustée, refusera d’entraîner autrui au sein de ses limites et de sa pauvreté.
  • On peut aussi poser la question du consentement des personnes impliquées dans sa perversion. Tout ce qui est de l’ordre du viol est à proscrire absolument.
  • La personne homosexuelle sera fermement invitée à respecter sa santé et la santé d’autrui. On ne joue pas avec les personnes ni avec leur santé ! C’est de l’ordre de l’obligation morale.
  • La loi de gradualité, qui ne peut et ne doit pas perdre de vue l’effort à mener vers une vie chaste (qui ne veut pas dire à tendance hétérosexuelle), peut inviter les personnes homosexuelles à passer par exemple du monde de la drague, de l’homosexualité noire, au monde d’une relation plus fidèle, de l’homosexualité blanche. Les statistiques disent que le nombre de partenaires homosexuels fidèles augmentent même si elle demeure proportionnellement faible. Entre 1985 et 1995 on est passé dans le domaine des relations exclusives (cohabitantes 9% ou non 8%) de 17 à 27% (respectivement 11% et 16%). Enfin, une relation fidèle peut éventuellement évoluer vers une amitié chaste.

Même si l’homosexualité est toujours un désordre, une relation fidèle est objectivement un désordre moins grave. Cf. Le document de la conférence épiscopale suisse.

 

 

 

2. Résolution de tension par passage à l’acte ?

 

 

Bien des personnes homosexuelles disent être totalement envahie par le désir d’un passage à l’acte, que celui-ci est absolument compulsif, et pensent ne pouvoir être libérée et de nouveau disponible pour une vie sociale plus vraie qu’après un passage à l’acte. Cela relève de la tradition morale la plus ordinaire celle qui concerne les « habitudinaires ». Alphonse de Ligori qualifie d’habitudinaire dans le domaine de la sodomie, toute personne qui passe à l’acte une fois par mois pendant un an. Appelons habitudinaire, avec Xavier Thévenot, toute personne qui ne peut réfréner un acte masturbatoire ou homosexuel (même si ce n’est que 4 ou 5 fois dans l’année, et lorsque c’est le fruit d’un long effort, des années durant parfois pour évoluer vers une vie plus continente et plus chaste). Ce caractère incoercible est tout aussi important que la fréquence de l’acte sinon plus.

 

 

G. Jacquemet reprend de façon excellente les meilleurs conseils de la Tradition dans un article du dictionnaire "Catholicisme". L'auteur commence par rappeler que les actes, résultats d'habitudes très fortes, «se situent en dehors de la catégorie du péché formel grave», à la condition évidemment que l'intéressé n'ait pas posé volontairement la cause de son habitude et ait cherché à désavouer celle-ci. En outre, le confesseur doit reconnaître que «certains cas extrêmes sont rebelles à tout traitement. Le rôle difficile du confesseur est alors de protéger le pénitent contre la lassitude, de l'aider à garder confiance en sa vie chrétienne [ ... ], de l'entraîner à pratiquer la compensation par une générosité toujours plus grande dans les secteurs où il est vraiment responsable de soi. [ ... ] On peut être un habitudinaire [ ... ] et un saint. Ceci doit être dit et répété à ces [personnes] qui souffrent et qui parfois se croient maudites. » (10)

 

Si l'on applique ces paroles aux homosexuels habitudinaires, cela signifie que l'on peut être un homosexuel qui passe régulièrement à l'acte (malgré la volonté de faire autrement) et tendre vers la sainteté. Entendons-nous bien, en soi la vie homosexuelle n'est pas une vie souhaitable et ne porte pas l'image de Dieu comme les couples hétérosexuels la porte dans leur irréductible différence. Mais la sainteté leur est tout autant accessible qu'aux autres pour peu que dans leurs limites ils cherchent avec persévérance la volonté de Dieu. On n'est d'ailleurs pas plus saint parce que l'on est hétérosexuel. Le péché peut se glisser tout autant dans des relations humaines hétérosexuelles. La presse nous le rappelle chaque jour. Mais il reste que le mode de vie hétérosexuel facilite le décentrement de soi, le service de la vie l'autre jusque dans la fécondité.

Il existe parmi d'autres encore un problème encore plus complexe qui est celui qui invoque la nécessité de passer à l'acte pour éviter d'avoir à affronter une continence que le sujet vit très mal.

X. Thévenot dit que l'argument s'analyse avec difficultés. Ce cas laisse entendre que l'orgasme est une manière de résoudre un malêtre. Même s'il est généralement gratifiant, il ne rend pas heureux. D'autre part, autrui risque bien d'être considéré comme un objet sexuel. L'acte sexuel serait déconnecté de son sens relationnel. Que dirions-nous des couples hétérosexuels qui ne se rassembleraient que pour ne pas être gênés par une continence trop longue ? La conclusion de Thévenot (p. 294) est la suivante : « Le compromis éthique que représente l’option de la vie en couple pour un homosexuel qui supporte très mal la continence devrait ne pas être érigée en règle pastorale systématique. Le faire serait donner à penser, à tort, que le couple homosexuel résout toujours beaucoup plus de problèmes qu’il n’en fait naître ».

 

3. La question de l’adoption est très complexe.

  • C’est une revendication qui se fait de plus en plus forte au fur et à mesure des années. Le PACS, pour le lobby homosexuel, est un moyen de faire progresser cette revendication.
  • Les psychiatres ne sont pas tous d’accord. (Les débats à l’occasion du Pacs furent éloquents à ce sujet).
  • Peu de recul sur l’expérience réelle aux Etats-Unis et dans d'autres pays. Mais l'usage qui est fait de ce "peu de recul" mérite d'être analysé finement. Voir le dernier ouvrage de Xavier Lacroix, "La confusion des genres. Réponses à certaines demandes homosexuelles sur le mariage et l'adoption", Bayard-Etudes, Paris, 2005.
  • Enfin, il reste tout de même une question d’identité sexuelle qui ne sera peut-être pas si facile à acquérir chez les enfants dans le cas d'une éducation par des parents de même sexe.
  • Les enfants construisent leur identité sexuelle à la fois par identification et par distinction par rapport à chacun des parents. Comment un enfant de sexe opposé à celui des "adoptants" pourrait-il s'estimer lui-même ?
  • Enfin, si le lecteur n'était pas encore convaincu, il faut de toute façon faire jouer le principe de précaution. Dans l'incertitude qui règne à l'égard de la santé psychologique de l'enfant qui serait adopté, il convient de s'abstenir de tout risque! C'est l'enfant qui est plus important que le désir (si légitime qu'il soit) de ceux qui voudraient adopter.
  • Le désir de fécondité pourrait s'investir dans d'autres lieux comme celui de la vie civile, des associations, ....

Dans le doute, qui osera prendre le risque de blesser des enfants ?

Sur ce sujet, après un an de travail et quelque 150 auditions, le rapport de la mission de l'Assemblée nationale sur la famille et les droits des enfants, rendu public le jeudi 26 janvier 2006, se nourrit d'une somme d'échanges considérable.

La rapporteure, Mme Pecresse, précise que le critère majeur qui a guidé la commission est d'abord le bien de l'enfant et non le droit à l'enfant. "Nous ne sommes pas là pour satisfaire une revendication des adultes, soutient Mme Pecresse. Le prisme de la mission, c'est l'intérêt de l'enfant."

Toujours selon Mme Pecresse, "Il n'y a que deux positions cohérentes : soit on autorise le mariage et, à ce moment-là, l'adoption va avec ; soit on est contre l'adoption et, alors, on n'autorise pas le mariage." L'argument majeur cité par la rapporteure est que "la loi n'a pas à donner une consistance à une revendication qui s'éloigne de la vraisemblance biologique et qui n'est pas conforme à la vérité de l'origine de l'enfant".

 

Deux remarques sur ces propos rapportés par Le Monde du 26 janvier.

D'une part, c'est la première fois que l'on peut lire que la biologie est un indicateur d'une décision législative. Certes, il n'y a pas de filiation qui ne soit encadrée par des approches culturelles. Mais ici, il est affirmé qu'avant la culture, il y a la biologie et qu'il est mieux et préférable pour l'enfant de pouvoir repérer son origine en premier lieu par rapport à la biologie. Cette remarque recueillera la faveur des moralistes catholiques et de tous ceux qui ont du bon sens. Assistons-nous là à un retour de la loi naturelle ?
Notons cependant, que la commission ne s'appuie sur aucun argument d'ordre éducatif du genre : il est mieux pour un enfant d'être élevé par des parents hétérosexuels qu'homosexuels. Sujet extrêmement polémique dans la société française mais face auquel le bon sens le plus élémentaire aboutit à la même décision que l'argument de la proximité biologique, ainsi qu'aux mêmes conséquences sur le refus d'accorder le droit de mariage aux personnes homosexuelles. Le chemin de la réponse qui est celui de la proximité de l'enfant avec ses sources biologiques est, à ce titre, très juste et très astucieux.

D'autre part, c'est bien la première fois aussi que l'on voit le bien de l'enfant être opposé de manière cohérente aux revendications d'adultes homosexuels. Il faut admirer le courage de la cohérence de la position de la commission. Trop souvent on a vu des positions s'incliner devant la "sacro-sainte" liberté des adultes homosexuels et leur réelle souffrance face à la stérilité de leur relation. Mais ici, c'est le bien de l'enfant qui contraint les adultes à renoncer à leurs revendications.
Il reste à dire aux personnes homosexuelles qui ne peuvent adopter ce que dans l'Eglise catholique nous disons depuis si longtemps : la fécondité d'une vie ne se résume pas à la fécondité charnelle et qu'il y a d'autres chemins, quoique différents, pour mettre de la vie autour de soi : vie associative, vie politique, ...

 

 

 

© Bruno Feillet Mis à jour le 28 janvier 2006.

 

Bibliographie

 

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ARESNES Jacques, Accueillir la faiblesse, Desclée De Brouwer, Paris 1999

BAUDRY Patrick, La pornographie et ses images, Armand Colin, Paris, 1997, 217 pages.

BERGERET Jean et coll., L'érotisme narcissique. Homesexualité et homoérotisme, Dunod, Paris, 1999, 340 pages.

CASTANEDA Marina, Comprendre l’homosexualité, Robert Laffont, Paris, 1999, 265 pages.

COLLARD Cyril, Les nuits fauves, Film réalisé en 1992 avec Romane Bohringer et Carlos Lopez. (11)

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FURST Anne, « Du récit d’un autre à notre propre histoire. Le cas de Cyril Collard : miroir ou révélateur ? », Cahiers pour croire aujourd’hui, Octobre 1993, p. 27-32.

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THEVENOT Xavier, Mon fils est homosexuel ! Comment réagir ? Comment l'accompagner ?, Editions Saint-Augustin, Saint-Maurice (CH), 2001, 127 pages.


 

Notes

1. Y. C. p. 64.
2. Y. C. p. 67.
3. Y. C. p. 67.
4. Y. C. p. 69.
5. Michel ROUCHE, p. 7.
6. Cf. Rouche dans le document épiscopat sur le Pacs.
7. Voir aussi le N°5 de Tony ANATRELLA in document Episcopat N° 14/1998, p. 11. Mais c'est plus confus pour ne pas dire confondu.
8. LACROIX Xavier, " Une parole éthique recevable par tous ? ", in L'amour du semblable, Cerf, paris, 1996, p. 152-153.
9. Xavier Thévenot, Homosexualités masculines, p. 117.
10. Cité par Xavier Thévenot, p. 277.
11. Jean, cinéaste de trente ans, a mené une vie affective et bisexuelle sans savoir choisir ni aimer vraiment. Il s'est brûlé les ailes, et se découvre séropositif. Sa rencontre avec Laura, dix-sept ans, venue faire un casting pour un film publicitaire qu'il réalise, va bouleverser son existence. Jean pense que son amour pour Laura les protège de tout. Ce n'est qu'après leur première étreinte qu'il lui fait part du virus qui le ronge et qu'il peut lui transmettre. Elle en est d'abord révoltée, puis décide à son tour de placer leur amour plus haut que ce risque, refusant elle-même toute précaution. Elle ne peut plus vivre sans lui, quitte son emploi de vendeuse, se fâche avec sa mère, qui se méfie de Jean. Celui-ci entretient une liaison avec Samy, rencontré lui aussi à l'occasion du tournage, qui vient s'installer chez lui en abandonnant sa compagne Marianne. Laura ne comprend plus. Elle se bat, multiplie les messages sur le répondeur de Jean, qui ne répond pas et qu'elle trouve un matin en compagnie d'une autre fille, Karine. Sa mère, désemparée, ne supporte plus de la voir ainsi en crise et ne sait comment l'inciter à prendre la seule décision qui s'impose à ses yeux. Laura, admise en clinique, n'est pas séropositive. Mais la maladie leur interdit de sceller leur amour par la naissance d'un enfant. Grâce à elle, pourtant, grâce à sa rencontre avec Laura, Jean a fini par voir le monde autrement qu'à travers des scènes à filmer. C'est ce dont il prend la mesure au cours d'un voyage au Portugal, face à l'océan infini. (Merci aux fiches de "Monsieur Cinéma".