Oser poursuivre l'oeuvre de la création

A l'occasion des Assises régionales des Entrepreneurs et Dirigeants chrétiens. Raismes-Valenciennes, le 15 mars 2013.

 

 

Oser poursuivre en entreprise l’œuvre de la création

 

Je suis honoré d’être invité à prendre la parole au sein de notre assemblée. Merci de votre confiance.

Je vais traiter le thème de nos assises en remontant de la fin vers le début de son intitulé vous présentant quelques aperçus de la Création, en poursuivant sur ce que l’on peut comprendre dans l’expression poursuivre l’œuvre de la création et en finissant par déployer ce qu’il y a d’audace dans ce projet.

 

La création est un libre commencement pour permettre d’autres commencements

Dieu nous crée par amour, pour pouvoir s’offrir en partage à sa création et à l’homme en particulier.

La création est une initiative délibérée de Dieu

·        qui « se retire » pour laisser place à sa création ;

·        qui crée en mettant de l’ordre dans le désordre, dans le tohu-bohu ;

·        qui crée par sa Parole en séparant et en distinguant ;

·        qui crée une création non-violente puisque même les animaux ne mangent que de l’herbe : « A toutes les bêtes sauvages, à tous les oiseaux du ciel, à tout ce qui rampe sur la terre et qui est animé de vie, je donne pour nourriture toute la verdure des plantes et il en fut ainsi. » Gn 1, 30.

·        qui crée uniquement des réalités bonnes, voire très bonne si l’on considère le sixième jour : « Et Dieu vit que cela était très bon » Gn 1, 31.

·        Qui crée l’homme et la femme pour vivre avec eux une communion d’amour et leur permettre de la vivre cette communion entre eux. Cf. Gn 2.

 

Avec des attributs de cet amour

C’est toujours un débat subtil que de se poser la question de la caractéristique première de Dieu et de laquelle tout dépend. Nous avons posé à la suite de Jean-Paul II et de nombreux autres théologiens que c’était l’amour qui était la caractéristique première de Dieu. Dieu est avant tout une communion d’amour et de là tout découle. D’autres auteurs ont pu dire que c’était la toute-puissance, la liberté ou encore la sainteté.

Ainsi donc, pour être cohérent avec nous-mêmes, lorsque l’on considère l’acte de création, la liberté et la faculté de commencer du neuf sont deux attributs de l’amour même.

 

La liberté

Quand on parle de liberté à l’égard de Dieu, il faut être assez prudent.

Il n’y a aucune nécessité en Dieu. Et s’il est un mystère que l’on ne peut vraiment pénétrer, c’est celui de « pourquoi Dieu crée ? ». C’est complètement gratuit, complètement libre au sens où ce n’est aucunement déterminé par quoi que ce soit sinon sa libre volonté.

Entendons-nous bien, Dieu est libre non pas parce qu’il fait ce qu’il veut mais parce qu’il veut tout ce qu’il fait.

 Mais dès lors qu’il crée, et si Dieu est logos – au commencement était le Verbe ; en arch o logo&" (Jn 1, 1) –, comme le dit Benoît XVI, alors il y a une cohérence en lui, une logique dans ses décisions. Il n’est ni versatile, ni changeant, ni rusé. Et donc, une fois qu’il s’est engagé sur la voie de la création, tout le reste est en harmonie avec cette initiative y compris l’économie du salut qui s’accomplira en Jésus-Christ.

 

La capacité de commencer

L’autre harmonique de l’acte de créateur c’est la capacité de commencer à partir de rien. « Ex nihilo » ( 2 M 7, 28). Ce qui donne comme caractéristique essentielle de la création d’avoir été commencée. Contrairement à Dieu qui n’a pas de commencement.

 

L’homme libre et (pro)-créateur

L’homme et la femme bénéficient de toutes ces caractéristiques en raison de leur proximité originaire à leur créateur. C’est le concept d’image et de ressemblance qui permet à l’auteur de la Genèse de rendre compte de cette originalité unique dans l’histoire du Proche-Orient ancien.

 

Point de vue théologique

J’aime beaucoup la formule de Jean-Paul II qui affirme que « Dieu a créé l'homme à son image et à sa ressemblance : en l'appelant à l'existence par amour, il l'a appelé en même temps à l'amour […] En créant l'humanité de l'homme et de la femme à son image et en la conservant continuellement dans l'être, Dieu inscrit en elle la vocation, et donc la capacité et la responsabilité correspondantes, à l'amour et à la communion. L'amour est donc la vocation fondamentale et innée de tout être humain. » (Jean-Paul II, 1980, Familiaris consortio 11).

Nous sommes créés à l’image et à la ressemblance de ce Dieu d’amour capable librement de commencer du neuf. Ainsi par son acte créateur, Dieu a mis dans nos gènes spirituels cette capacité d’aimer et par là même, une liberté fondamentale et une capacité de créer, du moins de « pro » créer.

Hélas, cette capacité, nous ne l’exerçons pas toujours à la hauteur des espérances de Dieu.  C’est notre péché qui mesure l’écart entre l’image inaltérable de Dieu en nous et la mise en œuvre concrète de tout ce potentiel.

C’est le Christ qui restaure, qui recrée par son salut, notre foi en cette capacité que Dieu a mise en nous dès l’origine. Désormais, nous savons que nous sommes capables d’aimer comme lui et donc d’être vraiment libres, de cette liberté qu’il a restaurée par sa miséricorde.

Autrement dit, notre liberté fondamentale, qui est une liberté native au titre de notre état de créature, est, aujourd’hui plus encore, une liberté qui est le résultat d’une libération. C’est pourquoi notre liberté ne trouve et ne conserve sa pleine dimension que dans un lien vivant maintenu au Créateur. D’une manière paradoxale nous pouvons dire que plus nous cultivons notre lien au créateur, plus nous dépendons de lui, plus nous consentons à ce qu’il règne sur nous et plus nous pouvons accomplir notre vocation à l’amour, déployer notre liberté dans une créativité propre à chacun.

 

Point de vue socio-politique

Cette approche théologique se redouble d’une approche socio-politique.

En effet, dans la Grèce antique, seul l’homme libre pouvait participer aux décisions de la cité. Celui qui disposait d’esclaves était « libéré » des soucis de la vie pouvait consacrer son temps à la prise de décisions qui engagent l’avenir.

Et curieusement, la fonction du chef de la cité renvoie immédiatement à la racine du verbe « commencer », archein. Le chef, c’est l’arcwn, l'archonte, celui qui donne des ordres. La langue latine a donné d’autres approches pour décrire la fonction du chef : caput (celui qui est à la tête) ou encore à partir du verbe « ducere » qui contient dans ses différents sens conduire à soi, conduire et guider. Le sens grec centre moins sur la personne et plus sur une aptitude spécifique : initier du neuf, prendre une décision, commencer quelque chose de nouveau. (cf. le magnifique article d’Annah Arendt « qu’est-ce que la liberté » in La crise de la culture, Paris, Gallimard, 1972).

Il est tout de même assez étonnant de trouver dans le contexte politique de l’époque du Christ des ressources qui soutiennent l’approche biblique.

Poursuivre l’œuvre de la création

Faire comme Dieu fit pour nous.

Et ce n’est pas prétentieux que de dire cela. Dans l’Evangile de Jean, souvent Jésus utilise la relation qu’il a avec son Père comme modèle pour ses disciples.

« Je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée pour qu’ils soient un comme nous sommes un. » Jn 17, 22.

« Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. » Jn 20, 21.

 

Or, si les différents modes d’action de Dieu pour créer le monde :

·        Par la Parole.

·        Une parole qui distingue, qui sépare, qui met de l’ordre là où il n’y avait que tohu-bohu.

·        Une parole qui confie à la dernière créature créée une mission particulière : « Dieu les bénit et leur dit : Soyez féconds, multipliez, emplissez la terre et soumettez-la; dominez sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et tous les animaux qui rampent sur la terre.  Dieu dit : Je vous donne toutes les herbes portant semence, qui sont sur toute la surface de la terre, et tous les arbres qui ont des fruits portant semence : ce sera votre nourriture. » Gn 1, 28-29

Poursuivre l’œuvre de la création, ne serait-ce donc pas faire à notre tour ce que Dieu fit pour nous : non seulement mettre de l’ordre et de la lumière là où il y a du chaos mais aussi pouvoir confier la capacité à d’autres de croître, de se multiplier et de faire à leur tour ce que Dieu et d’autres par délégation ont fait pour eux. Or permettre à quelqu'un de croître, d’augmenter son humanité en quelque sorte, c’est exactement agir avec autorité.

Le Christ avait surpris ses contemporains par sa manière d’enseigner. En effet, dit l’Ecriture, « il n’enseignait pas comme les scribes et les pharisiens, mais avec autorité » (Mt 7, 29). En fréquentant le Christ, le peuple avait le sentiment de grandir !

Ainsi donc, chaque disciple du Dieu vivant, au titre de son état de créature à l’image de Dieu reçoit ipso facto cette mission de commencer des choses nouvelles. Pour la plupart des gens de cette planète, c’est par la constitution d’une famille que s’exerce cette faculté de procréer.

Le chef d’entreprise, quant à lui,  a singulièrement la charge de commencer des choses nouvelles, de décider dans le monde économique. En agissant ainsi, il s’accomplit et il accomplit d’une manière qui est propre à ses talents la mission qui est confiée à toutes les créatures qui ont reçu la grâce d’être créées à l’image et à la ressemblance de Dieu.

 

Par amour

Mais il ne faut pas oublier que l’acte même de la création s’enracine d’abord et avant tout dans un acte d’amour originaire. Pour le dire en termes plus pauliniens, sans la charité, le meilleur des créateurs d’entreprise « ne sera que cymbales qui résonnent ». Cf. 1 Co 13.

En régime chrétien, c’est la charité, c’est-à-dire, l’agapè qui qualifie et sanctifie la totalité de nos actes.

Et je me doute qu’inscrire toute son activité entrepreneuriale dans l’agapè ne doit pas être un réflexe spontané. Pourtant, si nous voulons poursuivre l’œuvre de la création, alors c’est le seul point de départ que nous avons.

Plus concrètement, l’exercice de la charité se traduit par la visée du bien commun. Dans son encyclique « Caritas in veritate » (l’amour dans la vérité), Benoît XVI écrit au N° 36 : « L’activité économique ne peut résoudre tous les problèmes sociaux par la simple extension de la logique marchande. Celle-là doit viser la recherche du bien commun, que la communauté politique d’abord doit aussi prendre en charge. »

La dernière livraison de l’année 2012 de la revue « Documents Episcopat »  publiée par la Conférence des Evêques de France porte sur « l’entreprise : les fragiles équilibres du bien commun ». Une grande partie des analyses consiste à mettre en rapport l’Entreprise avec le bien commun sous cinq aspects différents et complémentaires :

 

1.     Le pouvoir des clients et le bien commun. En particulier il y est rappelé que le contrat qui lie le client à l’entreprise, n’exonère pas le client de ses responsabilités puisque par son influence sur l’entreprise, il peut être considéré comme un « employeur indirect ». Par son influence sur l’entreprise et au-delà de l’entreprise, le pouvoir des clients a sans aucun doute une influence déterminante sur le bien commun.

 

2.     Les employés et le bien commun. Nous le savons tous, « le juste niveau des salaires concerne non seulement le bien commun au niveau de l’entreprise (dans sa cohésion et dans sa pérennité) et au niveau des salariés ; il concerne aussi le niveau des clients (coût du développement des produits) ; il concerne aussi la communauté toute entière qui bénéficie ou est privée des retombées d’un développement de l’entreprise sur son environnement (créations d’emplois, contributions indirectes pour l’état, …). »

L’action des employés tant dans l’accomplissement de leurs tâches que dans les efforts qu’ils déploient pour améliorer leur propre sort « affecte le bien commun à tous les niveaux : l’entreprise, les clients, les sous-traitants et fournisseurs et plus globalement le territoire où se situe l’entreprise. »

 

3.     Les actionnaires et le bien commun. Au jour d’aujourd’hui, nous savons tous que les actionnaires sont de natures bien diverses selon qu’ils ont la fibre industrielle ou financière, qu’ils envisagent leur retour sur investissement dans le court ou le long terme, qu’ils ont le souci des produits utiles à la communauté ou non.

La problématique du risque fait partie de l’univers de l’actionnaire. De ce point de vue, on approche le premier terme du titre de nos assises : Oser poursuivre l’œuvre de la création.

 

4.     La direction de l’entreprise et le bien commun. Ici, le Père Baudouin Roger, l’auteur du document, met tout particulièrement un des défis principaux du chef d’entreprise qui est celui de devoir « arbitrer entre les différentes dimensions du bien commun qui ne sont pas limitées à l’entreprise, qui ne trouvent pas toutes une expression en termes comptables pour l’entreprise, et qui ne concourent pas toutes aux intérêts des actionnaires. Il doit donc être un arbitre impartial capable d’utiliser la très large autonomie que lui concède le droit pour décider en conscience comment œuvrer au mieux pour le bien commun ».

 

5.     L’Etat et le bien commun, au regard des entreprises. Le champ économique est largement influencé par le cadre réglementaire qui relève de la responsabilité de l’Etat. Ce dernier a donc lui aussi toute sa part dans la réalisation du bien commun auquel œuvre l’entreprise. C’est trop facile à démontrer pour que j’insiste.

Ainsi donc, pour revenir à notre sujet éclairé par ces considérations, si l’entrepreneur ou le chef d’entreprise essaye de mettre à la source de ses décisions l’agapè qui l’invite à rechercher le bien commun, il sait qu’il n’a pas pour autant prise sur l’ensemble des facteurs qui influent sur ce dernier. Loin s’en faut. De plus les visions de ce bien commun des différents acteurs peuvent se trouver en contradiction. « Voilà pourquoi l’entreprise repose sur de fragiles équilibres qui conditionnent sa capacité à œuvrer pour le bien commun ». Equilibres qui sont soumis à des tensions multiples et changeantes d’autant plus difficiles à appréhender que nous vivons dans un monde où le temps s’est accéléré.

 

Oser : une audace enracinée dans deux actes de foi

Il faut se laisser impressionner par l’audace que suppose un tel titre.

L’audace de Dieu lorsqu’il confie une pareille mission à ses créatures est certainement plus grande que celle de l’homme lorsqu’il accepte de poursuivre la création.

 

L'audace de Dieu

Chacun d’entre nous sait combien il faut de courage, de confiance et d’espérance pour déléguer une responsabilité à une personne dont le résultat de son travail participera à la viabilité de l’entreprise. Or cela ne se fait qu’entre deux créatures.

Combien plus est l’acte de foi de Dieu à notre égard lorsqu’il nous confie son « bébé » si j’ose dire. Oser confier la poursuite de l’œuvre de la création à la création elle-même en dit long sur Dieu mais aussi sur la création elle-même qui possède en son sein une capacité de collaboration à l’œuvre de Dieu.

Capacité qui ne trouve son plein épanouissement que si elle demeure dans l’Esprit de son Créateur. C’est-à-dire si elle considère l’autonomie extraordinaire qui est la sienne comme une autonomie confiée.

Le drame serait qu’elle glisse de l’autonomie comprise comme une autonomie confiée à une orgueilleuse autarcie (ce qui commence à partir de soi, avec la même racine que le commencement). Dans ce cas-là loin de sa source, la création peut se perdre elle-même. On l’a vu au XX° siècle avec les camps de la mort dans tous les régimes politiques extrêmes ; on l’a compris avec les problématiques écologiques qui nous invitent à prendre en compte le temps long par-delà notre mort par-delà notre responsabilité juridique ; on le voit aujourd’hui dans la culture de mort qui s’introduit subtilement, petit à petit dans les lois de bioéthiques ou dans la mise à mal de la conjugalité. Pour reprendre un mot de Jean-Paul II « s’il n’y a pas de place pour le Christ, il n’y a pas de place pour l’homme ».

 

L’audace est aussi pour l’homme.

Audace incroyable de l’homme d’oser accepter une telle mission.

Audace parce que la mission est trop lourde bien sûr. Pourtant, cette mission confiée à l’homme est à l’initiative de Dieu  et non pas l’initiative de l’homme. C’est, en fait, une cohérence profonde et intime du Créateur avec son acte de création que de permettre à la créature de participer.

Audace parce que le partenaire est par trop disproportionné.

La disproportion, de fait, est flagrante. Pour l’appréhender en profondeur, il faudrait regarder de près le récit si curieux de l’alliance que Dieu conclue avec Abraham. Cf. Gn 15, 1-18 :

1 - Après ces événements, la parole de Yahvé fut adressée à Abram, dans une vision : Ne crains pas, Abram ! Je suis ton bouclier, ta récompense sera très grande. 

2 - Abram répondit : Mon Seigneur Yahvé, que me donnerais-tu ? Je m'en vais sans enfant… 

3 - Abram dit : Voici que tu ne m'as pas donné de descendance et qu'un des gens de ma maison héritera de moi. 

4 - Alors cette parole de Yahvé lui fut adressée : Celui-là ne sera pas ton héritier, mais bien quelqu'un issu de ton sang. 

5 - Il le conduisit dehors et dit : Lève les yeux au ciel et dénombre les étoiles si tu peux les dénombrer et il lui dit : Telle sera ta postérité. 

6 - Abram crut en Yahvé, qui le lui compta comme justice.

7 - Il lui dit : Je suis Yahvé qui t'ai fait sortir d'Ur des Chaldéens, pour te donner ce pays en possession. 

8 - Abram répondit : Mon Seigneur Yahvé, à quoi saurai-je que je le posséderai ? 

9 - Il lui dit : Va me chercher une génisse de trois ans, une chèvre de trois ans, un bélier de trois ans, une tourterelle et un pigeonneau. 

10 - Il lui amena tous ces animaux, les partagea par le milieu et plaça chaque moitié vis-à-vis de l'autre; cependant il ne partagea pas les oiseaux. 

11 - Les rapaces s'abattirent sur les cadavres, mais Abram les chassa.

12 - Comme le soleil allait se coucher, une torpeur tomba sur Abram et voici qu'un grand effroi le saisit. 

13 - Yahvé dit à Abram : Sache bien que tes descendants seront des étrangers dans un pays qui ne sera pas le leur. Ils y seront esclaves, on les opprimera pendant quatre cents ans. 

14 - Mais je jugerai aussi la nation à laquelle ils auront été asservis et ils sortiront ensuite avec de grands biens. 

15 - Pour toi, tu t'en iras en paix avec tes pères, tu seras enseveli dans une vieillesse heureuse. 

16 - C'est à la quatrième génération qu'ils reviendront ici, car jusque-là l'iniquité des Amorites n'aura pas atteint son comble. 

17 - Quand le soleil fut couché et que les ténèbres s'étendirent, voici qu'un four fumant et un brandon de feu passèrent entre les animaux partagés. 

18 - Ce jour-là Yahvé conclut une alliance avec Abram en ces termes : A ta postérité je donne ce pays, du Fleuve d'Égypte jusqu'au Grand Fleuve, le fleuve d'Euphrate.

 

 

Dans la tradition hébraïque, normalement les deux parties participent à part égale au pacte d’alliance. On tranche une alliance, c’est-à-dire qu’une fois les animaux coupés en deux, chaque partie passe entre les animaux et affirme « qu’il m’arrive ce qui est arrivé aux animaux si je manque à ma parole ». Mais ici, Dieu passe deux fois, une fois pour lui-même et une fois pour l’homme. Cf. le v. 17 où passent d’abord un brasier fumant et ensuite un brandon de feu (une torche. Et nous croyons qu’en définitive, c’est le Christ de Dieu est venu tenir la parole de l’homme. Et par son salut obtenu sur la croix, il manifestera que la parole a été tenue jusqu’au bout. Je n’insiste pas.

 

Conclusion : Poursuivre la création ? Mais qu’y aurait-il donc d’inachevé ?

Dieu ne faisant rien de maladroit, cette participation à l’œuvre de Dieu qui nous est déléguée fait partie elle-même de l’acte de création.

En fait, il ne manque rien à la création sinon d’être reçue comme telle et mise en œuvre. Il nous revient donc, en assumant notre état de créature de mettre en œuvre notre vocation à l’amour en croissant, en nous multipliant et en soumettant la terre.

Depuis les origines, l’homme a souvent fait l’expérience de son incapacité à honorer sa vocation en raison de son péché. Mais le Christ, en nous recréant par sa miséricorde et l’offrande de sa vie, nous a ouvert les yeux sur notre capacité à vraiment sanctifier le nom de Dieu par l’accomplissement de notre vocation.

S’il y a donc quelque chose à poursuivre, c’est de manifester que notre mission est possible pourvu que nous restions à notre place. Si nous doutons de cela, on fait de Dieu en menteur. Dans la mise en œuvre de notre vocation,  il en va donc de l’honneur de Dieu, il en va du respect de nous-mêmes.

Je vous remercie.


© Bruno Feillet. 15 mars 2013