La prière conjugale

Intervention lors d'une journée de secteur des Équipes Notre-Dame à Reims le 19 janvier 2014

La prière conjugale

Introduction

Dans la prière conjugale, nous supposerons ici principalement celle que les couples vivent en présence d’eux seuls et qu’ils vivent ensemble en raison de leur mariage chrétien et de leur désir de le vivre sous le regard de Dieu.
Ce sont là quelques éléments pour éclairer ou initier une pratique conjugale. Le plus important n'étant pas de tout mettre en œuvre en une fois, mais de repérer ce qui se vit déjà, ce que l'on peut vivre et de procéder par étapes et relectures des fruits attendus et obtenus.


I. Quelques motifs de difficultés


A. Celles qui sont propres à la prière personnelle


1. Peur de ne pas savoir faire


Il y a peut-être longtemps que l’on n’a pas de prière personnelle. Comment alors faire pour partager ce qui n’existe pas ? Ou comment redécouvrir cette prière ? Il n’y a nulle honte à en être là où on est. Il suffit de commencer. Réciter des prières de l’Église peut-être un bon début. Répéter une phrase d’un évangile. Faire silence ensemble… Bien des chemins sont possibles, y compris pour ceux ou celles qui débutent.


On peut avoir peur de confondre le fait de se parler à soi-même et la prière qui consiste à parler à Dieu. Méditer, réfléchir en soi-même ce que la Parole de Dieu nous donne à penser, c’est différent de la prière qui s’adresse directement à Dieu. C’est en revenant régulièrement à « qui on s’adresse » que petit à petit on quitte le dialogue avec soi-même. Enfin, du point de vue de la « réponse », ce n’est pas d’abord dans le psychisme que se joue le dialogue mais dans le cœur. Ce cœur, pas le cœur biologique mais le siège de notre âme et qui se situe plus ou moins sous le plexus solaire.


2. Peur de se livrer à Dieu


On peut avoir peur de se livrer à la prière, parce que l’on peur de ce qui peut s’y passer. Donner prise à Dieu, perdre prise, n’est-ce pas un peu risqué ? Ici c’est à l’acte de foi qu’il faut être renvoyé. Celui qui a donné sa vie pour nous peut-il nous vouloir du mal ? Dans tout acte de prière se joue une confiance fondamentale et fondatrice : celui que je prie est plus grand que moi ; il est meilleur que moi ; il s’est mis au service de ma vie et continue de le faire.


B. Les lieux de la prière


1. La pièce dans laquelle on prie.


La chambre ; le salon ; une autre pièce ; dans certaines familles il y a même des pièces qui sont transformées en chapelle. Mais peu importe, il faut au moins que l’espace qui est réservé à la prière soit lui-même priant : ordonné ou rangé ; pas trop chargé ; permettant d’aller au-delà de lui-même, comme une icône et pas comme une idole. Si un jour, l’espace que l’on a créé ne nous aide plus à aller au-delà de ce que l’on voit, alors, il faut en changer.
Une image, une bible ouverte, une bougie allumée, … Tout ce qui aide à la prière est bon du moment que cela aide effectivement à la prière, à rejoindre celui qui est notre source et notre fin.
Un bon "lieu" est celui qui nous dit que nous sommes invités à sortir de nous-mêmes pour partir à la rencontre de Dieu.


2. Lieu psychique et lieu spirituel


Apprendre que notre personne est constituée d’un corps, d’un psychisme, d’une âme qui repose sur Dieu lui-même. Tout le travail de la prière consiste à mettre suffisamment de calme par un chant, du silence, une position du corps adéquate pour que l’âme puisse tourner toute notre personne vers son Seigneur.
C’est en notre âme que Dieu parle et c’est de notre âme que procède toute prière. Il faut apprendre à la connaître pour progresser dans la prière. Cela prend parfois du temps, mais c’est accessible à tout homme.


C. La position des corps


Chacun la sienne. La prière est une aventure personnelle que l’on peut partager. Mais elle demeure toujours personnelle. En cela, l’attitude du corps qui nous est la plus profitable (à genoux, assis, debout, …) est aussi très personnelle. Il est néanmoins profitable au couple de partager la même attitude.
La bonne position du corps est celle qui vous permet :


• D’être solidement ancré sur le sol (pas de position instable). Bien assis sur une chaise avec les deux pieds au sol (donc pas les jambes croisées) ; à genoux sur un petit banc ; debout ; … toute attitude qui dit à vous-mêmes le temps de la prière. Peu importe ce qu’elle est, du moment qu’elle lutte contre la gravité, que le corps n’est pas avachi. On se présente devant Dieu, tout de même.
• D’être confortablement installé (pas de douleur inutile ou évitable ; pas d’attitude dont on doit changer trop souvent ; …).
• D’être entièrement disponible à l’aventure intérieure de la prière.

Au fond, outre ces critères, il reste qu'une bonne attitude est celle qui ne s'abandonne pas à la gravité mais et qui, par sa tonicité, aide l'homme intérieur à "se tenir" dans la prière.


D. Prier, c’est s’adresser à Dieu


Pour aider la prière, il faut savoir à qui on parle. En l’occurrence, c’est Dieu qui est toujours le premier destinataire de notre prière. Il faut avoir le courage de s’y tenir même si, inévitablement, lorsque la prière est aussi partagée c’est parce que l’on souhaite qu’elle soit connue du conjoint. Mais il importe qu’elle soit connue en tant que c’est une prière adressée à Dieu.
Le plus simple est de commencer la prière par le nom de Celui à qui on s’adresse : Seigneur Jésus ; Dieu notre Père ; Esprit-Saint ; … tous les noms de Dieu que l’on trouve dans l’Écriture et spécialement dans le Nouveau Testament peuvent être utilisés.
Il sera bon aussi de se rappeler la recommandation de Jésus : « "De même, je vous le dis en vérité, si deux d'entre vous, sur la terre, unissent leurs voix pour demander quoi que ce soit, cela leur sera accordé par mon Père qui est aux cieux. Que deux ou trois, en effet, soient réunis en mon nom, je suis là au milieu d'eux."». Mt 18, 19-20


E. Ne jamais prier sans la Parole de Dieu


C’est elle qui fait de notre prière une prière chrétienne. Elle nous décentre de nous-mêmes et nous centre sur Dieu. Elle nous éclaire. Elle a sa force. Elle est comme une épée qui va jusqu’aux jointures de l’âme. Elle est une lumière sur nos pas.
Si nous sommes « victimes » de distractions, elle nous ramène sur le chemin de la prière.


II. Ne pas pervertir la prière


A. Partager sa prière, ce n’est pas discuter


C’est toujours un risque, dans la prière en groupe et dont la prière conjugale est un cas particulier, de se servir de la prière pour faire passer un message à l’autre. La prière consiste essentiellement en une adresse à Dieu et en une écoute de Dieu. Qu’on le fasse ensemble, à deux, avec tout le poids de la vie conjugale passée et espérée complexifie la chose sans doute mais ne change rien à la réalité fondamentale de la prière.
Tout l’art sera d’apprendre à gérer le partage de la prière où l’on prend le risque d’informer l’autre sur ce qui fait notre prière sans pour autant en faire un moyen d’information à l’autre. Peut-on jamais éviter toute ambigüité sur ce point ? Ce n’est pas sûr. Mais au moins, il ne faut pas être dupe sur les risques et faire l’effort de ne pas tomber dans le panneau.
La discussion, c’est pour le temps du Devoir de S’Asseoir.


B. Prière et jardin secret


Partager une prière ce n’est pas forcément tout partager. C’est parfois une crainte ou une tentation - c’est selon les psychologies personnelles - de croire que dans la prière il faut être absolument transparent à l’autre. Il n’y a qu’au jour du Jugement Dernier où nous serons totalement transparents à l’autre, aux autres, mais ce sera dans la médiation de la lumière de la miséricorde divine.
Dans le cadre de la prière conjugale, toutes nos prières n’ont pas forcément vocation à être partagées mais toutes nos paroles doivent être une prière. Dans la prière comme dans le reste de la vie de couple, le jardin secret de chacun doit être préservé et respecté. J’entends par « jardin secret » cet espace inviolable de la conscience et du cœur où l’on peut accueillir l’autre librement, que l’on peut ouvrir de sa propre initiative à l’autre mais sur lequel l’autre ne peut avoir de prise.
Pour le dire autrement, chacun peut donner librement accès à son cœur mais nul n’a droit à cet accès. La chasteté, qui peut aussi être spirituelle, s’appuie sur la confiance et n’exige rien.


C. L’autre n’est pas ma poubelle


Je peux avoir des regrets et des pardons à demander à Dieu pour des motifs qui concernent aussi bien la vie familiale, la vie conjugale ou encore la vie au travail.
Si une demande de pardon peut se vivre à ce moment, alors que le conjoint n’apprenne pas en même temps que la demande de pardon adressée à Dieu ce pour quoi le pardon est demandé. Le motif doit être bien connu des deux avant la prière (au cours d’un Devoir de S'Assoir par exemple). Particulièrement sur le terrain du pardon, il peut y avoir un risque de « pervertir » la prière. Le conjoint peut avoir l’impression de se sentir « piégé».
Par ailleurs, il est parfois prudent que l’autre ne sache pas tout ce pour quoi on demande pardon à Dieu. Nous ne savons pas à quel point cela peut le blesser d’apprendre que l’on a pu être indigne, tout spécialement à son égard. C’est alors la croix du conjoint que de porter en silence son offense, pour laquelle il a pu demander le sacrement du pardon.

 

D. Prier en vue de quoi ?

La tentation de toute prière, c’est d’utiliser Dieu, de lui demander un service, qu’il allonge en quelque sorte la longueur de notre bras. On voudrait qu’il nous sorte de tel mauvais pas, qu’il guérisse un enfant ou un proche, … Bien sûr, comment ne pas demander au tout puissant qu’il nous donne « un coup de pouce ». Pourtant, ainsi que l’évoque une préface eucharistique : « Nos louanges n’ajoutent rien à ta gloire, mais elles nous rapprochent de toi ».

« Qui te louera au Shéol ? » s’exclame le psalmiste proche de la mort. Autrement dit, le premier objet de la prière, c’est la gloire de Dieu, qu’elle soit chantée et manifestée.

Jésus, dans la seule prière qu’il nous a transmise, le Notre Père, nous révèle que l’essentiel de la prière concerne la manifestation de la sainteté de Dieu, la venue de son règne, la connaissance et la mise en œuvre de sa volonté. Le pain que nous demandons est celui qui éloigne l’angoisse de la mort, cause de tous nos péchés. Et si nous péchons, alors la miséricorde que nous vivons entre nous ouvre la porte de sa miséricorde envers nous. L’ultime demande concerne l’extrême du combat spirituel qu’il a vécu et qu’il souhaite que nous n’ayons pas à l’affronter.

Par ailleurs, ce que nous sommes sûr d’obtenir, c’est l’Esprit-Saint : « combien plus le Père du ciel donnera-t-il l'Esprit Saint à ceux qui l'en prient ! » Lc 11, 13.

Et il faut relier cette demande au fruit de l’Esprit que nous lisons en Ga 5, 22 : « Mais le fruit de l'Esprit est charité, joie, paix, longanimité, serviabilité, bonté, confiance dans les autres, douceur, maîtrise de soi : contre de telles choses il n'y a pas de loi. »  Ainsi qu’aux 7 dons de l’Esprit que l’on trouve en Isaïe 11, 1-2 :

La Sagesse pour que ton cœur reconnaisse la présence de Dieu.  Ainsi tu lui donneras une place importante dans ta vie, souvent tu l'écouteras et lui parleras.  Tu auras le goût de Dieu et de tout ce qui le concerne. Pour discerner dans les situations difficiles.

L'Intelligence pour que tu sois capable de comprendre la Parole de Dieu et d'en vivre chaque jour.

Le Conseil pour que tu puisses choisir correctement quoi faire pour vivre en vrai chrétien, surtout dans les moments importants et difficiles de ta vie.

La Connaissance pour t'aider à comprendre le vrai sens de ta vie avec les autres dans le monde...  pourquoi la mort?...  la souffrance?... l'amour?...

La Fraternité (ou l'Affection filiale) pour te rendre capable d'aimer Dieu et ton prochain: tes parents, tes amis, tous ceux et celles qui vivent avec toi, et même ceux-là qu'il t'est plus difficile d'aimer.

La Force pour te permettre de prendre courageusement une décision, de vaincre les obstacles qui se présentent à toi, de changer de direction si c'est nécessaire.

L'Émerveillement (ou l'Adoration et la Louange) pour te rendre capable de reconnaître Dieu en toute confiance quand il se manifeste à toi, de le prier très simplement, de le remercier pour les merveilles qu'il fait pour toi!

Nous le comprenons, le fruit multiforme de l’Esprit ou les sept dons ont pour conséquence non pas de nous guérir, de nous rendre plus riches mais de nous aider à mieux servir Dieu et nos frères. Voilà l’enjeu de toute prière adulte dans la foi.

 

 

 

 


III. La prière conjugale


A. Prier avec l’autre


C’est la base même de toute prière conjugale. Il faut être avec l’autre. Si possible seulement avec lui mais il ne faudrait pas enlever toute réalité conjugale aux prières vécues en famille ou à l’église si les époux y prient aussi en tant que tels.
Mais c’est encore une fois prier Dieu en présence du conjoint. Prendre conscience qu’il a promis sa présence à ceux qui se réunissaient en son nom doit aider à se rendre compte de la solennité du moment, de la grâce qui est en train de se vivre.
C'est là toute la différence entre "être en union de prière" qui peut se vivre à des milliers de kilomètres de distance et "prier ensemble".


B. Prier à côté de l’autre plutôt qu’en face de l’autre


Il s’agit d’être tournés ensemble vers le même Dieu, dans la même direction. La position en miroir est toujours un peu risquée. Mieux vaut être tournés vers une même image qui aide à fixer l’attention de la prière. La vision directe du conjoint en prière peut, quant à elle, être une source de distraction.


C. Être vu en prière


Prier en couple, c’est aussi accepter d’être vu dans sa vulnérabilité et de s’offrir dans cette vulnérabilité, dans un abandon à Dieu. Car telle est l’attitude de l’orant : « Seigneur, prends pitié de nous ». La prière chrétienne manifeste notre faiblesse ontologique. Mais simultanément elle exprime notre grandeur dans l’espérance de notre divinisation.
On a sans doute au moins autant de pudeur sur sa vie spirituelle que sur son corps. S’exposer en train de prier est le signe d’une grande confiance.


D. Prier grâce à l’autre


Dans chaque couple, rares sont les moments où chacun tire exactement dans la même direction avec la même intensité. Il y a souvent un des deux conjoints qui est plus moteur dans un domaine ou dans un autre. Et cela peut varier selon les époques de la vie conjugale.
Il faut beaucoup d’humilité pour « confesser » par l’attitude de la prière qu’il y a plus grand que soi et donc que l’on n’est pas « le dieu » de son conjoint ; de reconnaître à chaque fois que l’on a besoin d’être sauvé, que l’on ne peut se sauver soi-même et que le salut ne vient pas non plus du conjoint.
Il faut tout autant d’humilité pour accepter que le conjoint est « meilleur » que soi dans la prière et que, sur ce plan aussi, on a à recevoir de lui ou d’elle.


E. La prière à la maison


1. Avoir un rituel de la prière conjugale.


Le vôtre bien sûr. Il peut bien y avoir autant de rituels que de couples.
Je rappelle qu’un rituel ne se définit pas d’abord par sa répétitivité que par la transformation qu’il opère sur ceux qui s’y livrent. Ainsi dans une célébration de mariage à l’église les époux entrent au bras de leur parent et en sorte bras dessus, bras dessous.
La prière conjugale dans sa dimension la plus profonde transforme et ajuste le couple en le réajustant à Celui qui est la source de leur amour. Cela se passe à chaque fois qu’elle est vécue avec un cœur sincère. Cela se réalise par la régularité de la prière au long cours de la vie conjugale. Mais bien sûr pour que ce rituel opère, il ne faut pas faire les choses n’importe comment. Il y a des manières de faire qui aident et d’autres qui troublent. Mieux vaut lire la Parole de Dieu au début qu’à la fin…


2. Avoir des habitudes


On ne peut pas tout réinventer à chaque fois. Regardez les prières à l’église : eucharisties ; baptêmes ; … ce qui change ce sont les personnes, les circonstances, mais on garde la structure. Il est important qu’après quelques tâtonnements le couple trouve sa manière de faire où les hésitations du début sur la procédure laissent place à une certaine régularité. Cette régularité dans la manière de faire est sécurisante et rend disponible chaque conjoint à l’action de Dieu.
Les habitudes peuvent porter sur : la conduite de la prière, le rythme ou encore le contenu.
Il est bon d'avoir des repères dans la prière, en particulier le début et la fin, un signe de croix par exemple qui marque l'entrée et la sortie de ce temps si particulier.


3. Le contenu de la prière


a) Toujours une Parole de Dieu


De même qu’il faut une image qui aide à fixer la prière, de même il faut un texte qui « garantisse » au couple, tant que faire se peut, que sa prière est tournée vers Dieu et non vers ses propres préoccupations. L’altérité de la Parole de Dieu va altérer sa prière et y mettre le sel qui lui donnera la saveur du jour avec les circonstances particulières de la vie menée récemment.

Combien de fois, lorsque je suis invité dans une famille où l’on prie, les parents m’invitent à participer à leur prière familiale. C’est toujours touchant. Mais très rarement, on cite une parole de l’Ecriture. La prière est très souvent construite sous la forme d’une prière d’intercession : je prie pour… C’est déjà beaucoup. Mais ce serait bien plus riche s’il y avait une citation de la Parole de Dieu. Une strophe d’un psaume ; une petite parabole de Jésus… Lorsqu’ils sont plus grands, les enfants peuvent lire le passage biblique…

Cela vaut encore plus pour les parents, lorsqu’ils prient ensemble.


b) Le silence ensemble


Le silence ensemble, c’est vraiment une prière. Le silence de Dieu n’est pas l’absence de Dieu. C’est dans le silence que l’on donne à Dieu l’occasion et la chance de se faire entendre. C’est dans le silence que l’on entend les mouvements intérieurs de notre âme : la joie, la tristesse et d’où ils viennent.


c) Dire des prières ensemble


Bien des prières sont possibles à commencer par le Notre Père, la prière du Seigneur ou le Je vous salue Marie. Elles déjà des paroles de Dieu. Vous pouvez vous appuyez sur une prière que vous avez trouvée quelque part (Charles de Foucauld, Mère Térésa, le scoutisme, …) et dans laquelle vous vous retrouvez tout particulièrement. Et pourquoi ne pas reprendre votre prière du jour de votre mariage ?
Rien de cela n’est ridicule. Et c’est vraiment de la prière conjugale.


d) Porter des intentions communes ensemble


Pour les enfants, le couple, des projets, la famille de l’un et de l’autre, les soucis du travail, les souffrants de notre temps, …


F. La prière avec d’autres


Ce sont aussi des prières conjugales lorsqu’au milieu d’autres c’est bien le couple qui prie et pas seulement des parents au milieu de leurs enfants, des équipiers dans leur équipe Notre-Dame, des paroissiens au cours de la messe du dimanche.
D’une certaine manière, cela se perçoit dans la manière d’actualiser le statut conjugal qui est le vôtre parmi tous les statuts que vous endossez successivement dans la journée : époux, père, professionnel, paroissien, membre d’une association…
Par exemple, à la messe, les parents peuvent aider les enfants à dire le Notre Père. Mais s’ils ne sont pas là où s’ils sont assez grands, les époux peuvent se prendre la main à deux et le prier de manière beaucoup plus conjugale. Ou encore vivre le temps de silence après la communion en se tenant la main. A chaque couple d’inventer au milieu de ce monde ses temps qui l’orientent en tant que couple vers le Seigneur.


IV. Arriver à ce niveau de conjugalité, c’est véritablement ne faire plus qu’une seule chair


A. L’union des cœurs nourrit l’union des corps


Je présume que lorsque l’on est entré dans ce niveau de confiance et de partage au niveau des cœurs, l’union des corps en est favorisée. Mais attention, il ne s’agit pas pour moi de penser une seconde qu’une bonne prière conjugale doit se conclure par une union conjugale. Ce serait prendre le risque de pervertir la prière ou du moins de l’instrumentaliser et de la dévoyer de son objet premier. Et le diable saurait bien se saisir de l’occasion d’une manière ou d’une autre.
Mais dans l’économie générale de la vie conjugale, cette ouverture régulière des cœurs en profondeur peut aussi construire l’union des personnes jusque dans l’union de leur corps.


B. L’union des corps ouvre à la prière

Je ne peux que vous inviter à lire le livre d’Yves Semen portant sur la spiritualité conjugale selon Jean-Paul II. Pour faire rapide, l’argument par du constat suivant : En termes de spiritualité, bien des couples s’inspirent de la tradition franciscaine (tertiaires franciscains), carmélitaine (tertiaires et amis du Carmel), … Mais pourquoi n’y aurait-il pas une spiritualité propre aux couples. Or ce qu’il y a de plus propre et exclusif aux couples, c’est tout ce qui touche à l’union des corps. Jean-Paul II suppose donc qu’au cœur même de l’union conjugale se joue une spiritualité très spécifique liée au don et à l’accueil des corps, à l’humilité que suppose le vieillissement de son corps exposé à la tendresse de l’autre…

Pour reprendre un mot de Xavier Lacroix : le charnel est lui-même spirituel.  Il faut lire ici sa thèse sur « le corps de chair ». L’union des corps a pu se vivre avec tant de respect, de don de soi et d’accueil de l’autre que la joie (je dis bien la joie et non le plaisir), joie qui est durable et partagée, cette joie donc qui en a surgi a pu aussi nourrir une prière d’action de grâce. Il ne faut pas s’interdire de penser et d’expérimenter que l’union des corps nourrit l’union des cœurs et une découverte du Créateur. « Glorifiez Dieu dans vos corps » (1 Co 6, 20) écrit St Paul. Et que cela puisse aussi être la source d’une louange partagée dans la prière me paraît évident. Dieu bénit le mariage au point d’en faire un sacrement. Tout ce qui fait la beauté du mariage est appelé à nourrir la prière conjugale et à en être la matière.


C. Mon mari, ma femme devient un frère, une sœur dans le Seigneur.


Par ce dernier point, je ne veux pas dire qu’à travers la prière conjugale peut s’opérer un changement de statut, comme si le mari perdait son statut de mari pour devenir comme un frère. Mais disons que la compréhension du conjoint prend de la densité et de la profondeur. Dans un contexte un peu différent, le Cantique des Cantiques n’a pas hésité à associer les termes de sœur et de fiancée : « Tu me rends fou, ma sœur, ô fiancée, tu me rends fou par une seule de tes œillades, par un seul cercle de tes colliers. Que tes caresses sont belles, ma sœur, ô fiancée! Que tes caresses sont meilleures que du vin, et la senteur de tes parfums, que tous les baumes! » Ct 4, 9-10.

 

 

© Bruno Feillet Janvier 2014